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Articles de l'Alsace et des DNA : visite de Stocamine

le 05/01/2011 DNA
Wittelsheim / Stocamine

Visite au fond de la mine

Les portes s'ouvrent sur Stocamine. Ce centre de stockage souterrain de déchets industriels ultimes était interdit à la visite depuis le dramatique incendie qui l'a ravagé en 2002. Mais l'exploitant joue désormais la transparence. Visite au fond de la mine.

Les premiers à descendre à 540 mètres sous terre furent les experts désignés par la commission locale d'information et de surveillance de Stocamine. Ils forment un comité pilote (Copil). Et ces 13 experts doivent, d'ici la fin du premier semestre 2011, apporter leur avis sur la solution à mettre en œuvre pour fermer Stocamine, ainsi que l'a demandé en septembre dernier l'ancien ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo (voir DNA du 17 septembre 2010). Dans quelques jours, le préfet du Haut-Rhin ira, lui aussi, se rendre compte de la situation. Tout autour du dossier de Stocamine s'observe une accélération des événements, après de longues années d'immobilisme.
Des éboulements sur les big bags
Les visiteurs qui se hasardent découvrent un centre de stockage à la fois parfaitement entretenu et abandonné à lui-même. Certes les mineurs polonais de la société Kopex surveillent les terrains, consolident les fissures dans les murs, soutiennent des plafonds qui s'incurvent. Malgré tout, autour des galeries creusées dans le sel, les terrains bougent et inexorablement elles se referment sur les fûts et les big bags de déchets. « Les affaissements et l'ennoyage sont des phénomènes naturels. Les processus de cicatrisation de la mine, avec les vides qui se réduisent, sont connus. Mais le phénomène est plus rapide que prévu », explique Alain Rollet, liquidateur des Mines de Potasse d'Alsace et président du conseil d'administration de Stocamine. Surprise aussi au détour des allées parfaitement rectilignes, les galeries tracées à moins 25 mètres sous la couche inférieure de potasse voient leur toit s'effondrer. Là aussi, le phénomène n'avait pas été anticipé. Sauf que ces éboulements se produisent sur les big bags du bloc 15, celui qui a été incendié, désormais composé d'un magmas de déchets brûlés et de déchets encore ensachés. La visite permet d'éclairer la difficulté que posera le déstockage des déchets si cette solution était préconisée par les experts. Les risques miniers seront importants ainsi que les risques sanitaires et environnementaux. Les conditions de travail seront particulièrement pénibles pour ceux qui viendront extraire et parfois reconditionner ces substances toxiques, dont 3500 tonnes d'amiante (sur 40 000 tonnes de déchets). Mais à l'heure actuelle, aucun scénario n'est favorisé. Toutes les solutions sont étudiées par les experts : laisser les déchets sous terre en les encapsulant, les déstocker pour les envoyer dans d'autres décharges et bien sûr toutes les variantes entre ces deux extrêmes. « Juridiquement, ce sera à l'exploitant de prendre la décision », précise Alain Rollet. L'exploitant mais aussi l'actionnaire de MDPA et de sa filiale Stocamine, c'est à dire l'État. Après un débat public que Alain Rollet souhaiterait organiser avec les experts dans les prochaines semaines.
F. Z



05/01/2011 l’alsace
Reportage
À 550 mètres sous terre, dans les entrailles de Stocamine à Wittelsheim

« L’Alsace » a pu visiter, hier, le site de Stocamine, à Wittelsheim, où sont enfouies, à 550 m, 44 000 tonnes de déchets.

Les demandes des journalistes furent déposées par dizaines : descendre à 550 mètres sous terre, après l’incendie survenu en 2002, pour se rendre un peu mieux compte de ce qu’était réellement cet épouvantail appelé Stocamine. « Niet », fut systématiquement la réponse, alors même que les demandes officieuses se voyaient toutes opposer une fin de non-recevoir par les quelques mineurs restants pour qui on ne plaisante pas avec ces choses-là. « La mine, c’est sacré. » Il a finalement fallu attendre qu’un ancien patron des Charbonnages de France, Alain Rollet, prenne la tête de Stocamine, début 2010, un an après avoir été nommé liquidateur des MDPA, pour que soit fait le choix de la transparence, là où son prédécesseur aux MDPA, Bernard Roland, apposait le sceau « Secret défense ».
En ce froid mardi matin, rendez-vous était donc pris sur le carreau Joseph Else. « Pas question de prendre des photos », avait cependant fait savoir la direction de Stocamine en raison du caractère « épisodiquement grisouteux » de la mine nécessitant un appareillage antidéflagrant et des autorisations officielles visiblement trop compliquées à obtenir de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement du territoire et du logement). Et c’est comme cela que Gièfem est devenu l’un des très rares dessinateurs de presse au monde à avoir sévi à 550 mètres sous terre.
Comme les experts du comité de pilotage le mois dernier ou le préfet du Haut-Rhin le 20 janvier prochain, le visiteur, avant de monter dans l’ascenseur, passe systématiquement par la case vestiaire. Loin de la salle des pendus du vestiaire Joseph Else voisin, chaque personne revêt, dans une petite cabine, pantalon, tee-shirt et veste, toujours bleus, ceinture, chaussures… L’équipement n’a guère changé depuis quelques décennies, si ce n’est un blouson finalement peu utile. Casque à lampe sur la tête, après un exposé sur le fonctionnement du matériel d’assistance respiratoire et une présentation générale signée, plan à l’appui, par Bernard Gensburger, directeur général de Stocamine, il est temps de monter dans l’ascenseur et d’entreprendre la descente du puits Joseph. L’autre puits, Else, face au portail d’entrée de Stocamine, sert uniquement à la ventilation.
Ce bloc 15, où Stocamine est mort
Le puits de descente et de remonte, des hommes comme du matériel, c’est Joseph. Et si la porte métallique se ferme bruyamment sur cet ascenseur qui paraît vieillissant, l’engin a tellement d’ancienneté qu’il donne confiance.
Deux petites minutes plus tard, nous voilà arrivés à 534 mètres sous terre. C’est alors, en pleine « recette », que vient à l’esprit du visiteur l’image de ces milliers d’hommes qui ont sué, ici, durant près d’un siècle. Même si, selon l’expression du délégué mineur, Francis Hamerla (CGT), « quand on visite Stocamine, on ne voit pas la réalité des mines ».
Chargés de la sécurité, dépendant directement de la Dreal, le délégué mineur et son suppléant, Thierry Lap, de retour d’inspection, sont venus équipés de barres à mines. Elles permettent de purger d’un côté, de sonder de l’autre. « La base » du métier de mineur qui, parcourant les galeries, fait tomber « les écailles », ces tuiles de sel qui menacent de tomber sur la tête de tout visiteur ou, avant tout, mineur.
Des blocs divisés en trois galeries de 230 mètres de long, trois recoupes perpendiculaires de 70 mètres, stabilisées par des piliers confectionnés en carrés de 20 mètres de côté, c’est ainsi que Stocamine a été pensé par les ingénieurs, « ceux d’en haut » comme les appellent les mineurs pour qui ce centre est un immense gâchis. Les creusements ont été réalisés par les MDPA jusqu’à l’incendie survenu dans le bloc 15 le 10 septembre 2002.
Depuis, la situation a été figée, comme d’ailleurs les données informatiques de traçabilité des déchets. Elles sont intactes mais les originaux ont été mis à l’abri, pour éviter tout dérapage. Les échantillons, eux, sont rassemblés dans une pièce, sauf qu’il ne s’agit que de ceux envoyés pour acceptation, et non selon les colis reçus. Surtout, n’y figurent pas les produits amiantés, comme ceux qui ont condamné Stocamine, provenant de l’usine Solupack, à l’origine de l’incendie qui a brisé ce rêve de poursuivre une activité minière dans le Bassin potassique. De ce bloc 15, on ne voit rien, si ce n’est le sas entre la zone de confinement et la galerie minière. Non sans avoir changé de tenue, recouvrant celle de mineur par une blouse d’expert scientifique de la police judiciaire. Via une lucarne, ce sas ne montre pas grand-chose, si ce n’est un tuyau installé lors des opérations de secours en vue d’un dégazage qui n’a jamais eu lieu, des sacs de sel de déneigement que l’on trouve encore dans le commerce pour une autre opération, laquelle n’a jamais eu lieu non plus…
Des « big bags » qui s’amoncellent…
À côté, l’allée 1 du bloc 14 est impressionnante. Les big bags sont-ils tous rangés ainsi, c’est-à-dire n’importe comment ? La suite de la visite en apporte une preuve négative, mais difficile de ne pas s’interroger sur l’organisation du stockage. Comme si la « réversibilité », initialement prévue, n’avait été qu’une illusion linguistique.
En parcourant, à bord d’un véhicule pouvant transporter 12 passagers, la dizaine de kilomètres de hautes galeries, creusées sur 5,50 m de large et près de 3 m de haut, on aperçoit des ateliers de réparation, le garage… Mais pas les employés polonais de la Kopex, société minière chargée de l’entretien par Stocamine, laquelle emploie 16 salariés.
Au bloc 11 allée 3, la corrosion des fûts ne fait aucun doute, sans qu’officiellement, on sache pourquoi. Les analyses de l’Ineris n’ont pas permis de lever le mystère, tout en confirmant que les produits stockés sont conformes aux échantillons acceptés.
Dans les blocs suivants, selon les allées, les situations varient. Certains big bags de déchets sont parfaitement conservés alors que d’autres présentent des signes de dégradation inquiétants. Toujours cette mine qui travaille, même sans mineurs ; ces murs qui montent et ces toits qui s’affaissent ; ces engins qui pourrissent au fond. Et surtout, au-delà de la mémoire minière, la seule question qui vaille : quelle solution pou r Stocamine ?
Laurent Bodin

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